Gestion de l’eau dans les espaces verts Des évolutions qu’il faut encore faire progresser
Une récente étude sur la gestion des eaux de pluie et de ruissellement montre que la volonté de régler le problème en surface est bien là, mais trop parcellaire pour être efficace.
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Enterrée et canalisée au fil du développement citadin, l’eau courante est peu visible en région parisienne. Dorénavant, pour protéger les cours d’eau ou soutenir la biodiversité, les politiques urbaines remettent en question ce modèle, cherchant à « gérer l’eau en surface ».
Autour de l’idée « Comment réintroduire la pluie et les cours d’eau dans un espace urbain habituellement conçu comme minéral et sec ? », l’institut Paris Région, qui réalise des études sur l’urbanisme et l’aménagement, estime qu’en théorie il faut changer la manière de concevoir le bâti ou les pratiques des habitants, en rendant visible la circulation de l’eau, en laissant les cours s’étendre hors de leur lit… Six sites d’Île-de-France ont été étudiés pour faire un point de la situation sur le terrain**.
Toitures végétalisées, première rétention d’eau
Pour chacun d’eux ont été scrutés le fonctionnement hydrologique, le rapport aux espaces bâtis et ouverts, les milieux de vie et trames créés, les intérêts paysager et social et enfin la continuité de gestion autour du site.
Chaque quartier est appréhendé comme un « bassin versant où l’eau circule de façon gravitaire ». La composition des aménagements gérant l’eau de pluie est similaire dans les différents quartiers étudiés. En amont, les toitures peuvent être végétalisées afin de produire une première rétention. Des noues sont à même de recueillir l’eau des voiries, en infiltrent une partie quand elles sont en pleine terre et piègent certains polluants ou matières en suspension drainés par le ruissellement. Les espaces piétons et carrossables seront collectés de façon distincte pour s’adapter à des niveaux de pollution différents. Un espace de stockage dans le point bas du site est fréquemment aménagé en zone humide ou en plan d’eau, généralement implanté au cœur d’un parc.
Dans les quartiers étudiés, la circulation de l’eau a servi à créer des zones de contact variées entre sols, air et eau. La pluralité des milieux est favorable à la biodiversité. C’est le cas, par exemple, du quartier des Docks de Saint-Ouen (photo ci-dessus), où différents milieux sont combinés : une zone humide, des prairies, des fruticées (formations arbustives à petits fruits) et des zones où la végétation évolue librement.
Faire de l’eau une ressource
« En apportant de la diversité paysagère, faunistique et floristique, la présence de zones humides participe à la qualité esthétique des espaces rustiques ou naturels, au même titre que la gestion différenciée de la végétation, note l’institut Paris Région. Cette dimension esthétique rencontre les fonctions écologiques et climatiques assumées par les espaces végétalisés et désimperméabilisés de gestion des eaux de pluie. Ces zones contribuent à la maîtrise des îlots de chaleur urbains, à la protection de la ressource en eau et à son infiltration dans les sols afin de recharger la nappe phréatique. Ces fonctions écologiques et climatiques sont favorables à la biodiversité, ainsi qu’à la gestion du climat urbain, mais constituent aussi des aménités urbaines pour les citadins. »
Enfin, les nouveaux aménagements font de l’eau de pluie une ressource pour les habitants : l’arrosage de jardins partagés, par exemple.
La gestion in situ de l’eau de pluie sert tout d’abord à la protection des cours d’eau, en empêchant le déversement direct des égouts. Toutefois, ce lien fonctionnel n’entraîne pas la création d’une trame continue d’aménagements de collecte, depuis les crêtes jusqu’aux vallées urbaines : ceux dédiés aux eaux de pluie sont principalement situés en amont, bien loin des cours d’eau, et apparaissent au rythme du renouvellement et de l’extension urbaine, sans lien avec les opérations de renaturation en aval.
« La gestion de l’eau en surface de la ville redonne forme à la géographie et à l’hydrologie des sites, à rebours de l’urbanisme du xxe siècle qui aplanissait, minéralisait et uniformisait l’espace urbain, ainsi simplifié à l’extrême », conclut l’institut.
Les espaces déjà végétalisés encore trop privilégiés
Mais « bousculer des normes et des standards urbains (...) nécessite d’aller à l’encontre d’une pratique de conception bien ancrée. La gestion de l’eau n’est prise en compte dans la composition citadine que par défaut : l’eau de pluie s’impose ou s’imprime seulement dans les zones inondables inconstructibles ou à la constructibilité limitée, et pour les projets les plus ambitieux dans le travail sur le relief des sites. Sauf exception, les noues et les tranchées forment une trame intermittente entre toutes celles de déplacements urbains. »
Pourtant, l’institut Paris Région estime que la gestion intégrée de l’eau participe d’un ensemble de transformations des villes, aujourd’hui souhaitées, améliorant le cadre de vie et atténuant les effets du changement climatique (chaleur, pluies, inondations…). Cependant, ce sont surtout les espaces déjà végétalisés et non bâtis qui sont investis par des approches écologiques et climatiques. Le bâti et les liens entre espaces publics et privés évoluent encore peu. En outre, la vocation esthétique des milieux aquatiques créés l’emporte parfois sur la prise en compte de l’hydrologie des sites. Par ailleurs, l’institut regrette également que si l’eau de pluie est bien valorisée comme ressource , cela reste très limité quantitativement et adressé seulement à de l’arrosage, parfois réservé aux plantes non comestibles, par crainte de pollutions.
Selon l’institut, « reconsidérer des techniques traditionnelles et régionales de gestion de la circulation de l’eau dans les lieux habités représente un défi qui nécessitera d’impliquer tous les métiers de la ville en hydrologie et en écologie urbaines, et d’inclure les citadins dans la conception des espaces de l’eau en ville ». C’est en cours , mais encore trop marginal.
P. F.**D’après Emma Thébault, docteure en urbanisme Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, thèse Cifre à l’institut Paris Région, et Manuel Pruvost-Bouvattier, ingénieur agronome, chargé d’études eau et milieux naturels, avec la participation de Léo Mariasine, chargé d’études économie circulaire département Environnement.
**Parmi ces six sites, on compte quatre écoquartiers : Hoche à Nanterre (92), Les Docks de Saint-Ouen à Saint-Ouen (93), Clause-Bois Badeau à Brétigny-sur-Orge (91) et La Noue à Montreuil (93). Les deux autres sites sont la zone d’activités des Chanteraines à Villeneuve-la-Garenne (92) et la zone humide du Vignois à Gonesse (95).
Pour en savoir plus : www.institutparisregion.fr
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